Risque associé aux troubles du sommeil : la maladie coronarienne
Dans la mesure où la prévalence des maladies cardiovasculaires ne cesse de croître dans les pays occidentaux, on comprend mieux pourquoi les problèmes d’insomnie ou de somnolence doivent progressivement s’inscrire dans un vrai enjeu de santé publique. Mieux comprendre comment le défaut de sommeil augmente les risques des maladies coronariennes aide à mieux lutter contre cette coronaropathie et son risque majeur, l’infarctus du myocarde (IDM).
C’est quoi la maladie coronarienne ?
Les coronaires sont un ensemble d’artères irriguant le myocarde, le muscle cardiaque. Elles naissent au niveau de l’aorte et se divisent d’abord en deux, avec une coronaire gauche et une coronaire droite en forme de couronne, d’où leur nom. Ce sont des artères terminales, qui finissent par des capillaires dans le muscle.
La maladie coronarienne ou coronaropathie est une anomalie de la circulation artérielle dans les coronaires, se caractérisant par leur sténose (baisse de diamètre) ou leur obstruction : ce défaut d’apport sanguin entraîne une souffrance du territoire irrigué, pouvant aller jusqu’à la mort du tissu ou infarctus.
Cette sténose coronarienne est le plus souvent liée au dépôt d’une plaque d’athérome causée par le mauvais cholestérol LDL : c’est l’athérosclérose.
Ce rétrécissement est visible par examen radiologique avec des produits de contraste, c’est la coronarographie.
Plus rarement, elle peut être associée à des malformations congénitales, des atteintes inflammatoires (maladie de Kawasaki) ou des spasmes coronariens (angor de Prinzmetal).
La coronaropathie évolue le plus souvent au début sous forme silencieuse.
Cette ischémie myocardique silencieuse peut être détectée par un test d’effort, en étudiant l’électro-cardiogramme
- Quand elle évolue sous forme chronique, elle peut se faire vers une angine de poitrine, avec des douleurs, ou une insuffisance cardiaque, car le cœur est mal oxygéné.
Quand elle évolue sous forme aiguë, le danger est la formation d’une embolie qui va bloquer la circulation du sang : c’est l’infarctus du myocarde, qui engage le pronostic vital.
Quels sont les effets du sommeil sur la maladie coronarienne ?
Comme le rapporte la revue scientifique European Heart Journal, l’une des plus importantes méta-analyses a porté sur 474 684 sujets. La publication en 2011 de FP Cappuccio et coll. (Sleep duration predicts cardiovascular outcomes: a systematic review and meta-analysis of prospective studies) montre que les nuits les plus courtes (5 heures et moins) étaient associées à un risque accru de maladie coronarienne 1.
Un trouble du sommeil n’est d’ailleurs pas simplement une histoire de quantité, c’est aussi une notion de qualité de sommeil. Là aussi, un sommeil de mauvaise qualité augmente le risque de coronaropathies, comme le prouve une étude de 2019 2.
Dans cette même étude, la qualité du sommeil a été appréciée à travers les mouvements du sommeil et le nombre de réveils nocturnes. Il a ainsi été prouvé qu’un sommeil de mauvaise qualité augmentait de 34% le risque d’athérosclérose coronarienne, la principale cause de la maladie coronarienne.
Comment le sommeil agit-t-il sur la maladie coronarienne ?
Les mécanismes intimes associant les troubles du sommeil à la maladie coronarienne ne sont pas encore parfaitement connus.
Action directe des troubles du sommeil sur la maladie coronarienne
Certains auteurs penchent pour des troubles de la calcémie 3 qui favoriseraient la rigidité des parois avec calcification.
Action indirecte des troubles du sommeil sur la maladie coronarienne
Quatre modes d’action indirects sont par ailleurs parfaitement identifiés.
- Le premier est le stress 4 souvent induit par des phases d’insomnie et de difficultés d’endormissement. La libération des catécholamines, comme l’adrénaline ou la noradrénaline, favorise le spasme des artères coronaires et l’accélération de la fréquence cardiaque.
- Le second est l’hypertension artérielle ou HTA 5, dont on sait qu’elle est fréquemment associée à des troubles du sommeil. L’HTA est une des facteurs de risques majeurs des maladies de la coronaire et des infarctus du myocarde.
- Le troisième est l’obésité, qui est un facteur de risque fréquemment associé aux troubles du sommeil 6. Elle favorise la sédentarité, ainsi que des taux sanguins élevés de lipides ou de cholestérol, qui contribuent à la formation de l’athérome sur la paroi des coronaires.
- Enfin, la somnolence diurne 6 peut aboutir à des comportements comme la prise excessive de psychostimulants, de café, de tabac, dont les effets délétères sur l’athérosclérose sont parfaitement connus.
Bibliographie:
- Cappuccio, Francesco P., et al. « Sleep Duration Predicts Cardiovascular Outcomes: A Systematic Review and Meta-Analysis of Prospective Studies ». European Heart Journal, vol. 32, no 12, juin 2011. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehr007.
- Domínguez, Fernando, et al. « Association of Sleep Duration and Quality With Subclinical Atherosclerosis ». Journal of the American College of Cardiology, vol. 73, no 2, janvier 2019, p. 134‑44. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1016/j.jacc.2018.10.060.
- «La calcification coronaire au cœur de la prévention». FFC, https://fedecardio.org/la-recherche/la-calcification-coronaire-au-coeur-de-la-prevention/. Consulté le 21 décembre 2022.
- Grippo, Angela J., et Alan Kim Johnson. « Stress, Depression and Cardiovascular Dysregulation: A Review of Neurobiological Mechanisms and the Integration of Research from Preclinical Disease Models: Review ». Stress, vol. 12, no 1, janvier 2009, p. 1‑21. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1080/10253890802046281.
- Lefèvre, G., et E. Puymirat. « Hypertension artérielle et maladie coronaire : nouveau concept ? » Annales de Cardiologie et d’Angéiologie, vol. 66, no 1, février 2017, p. 42‑47. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1016/j.ancard.2016.10.011.
- Berryman, Phyllis, et al. « The Costs of Short Sleep ». AAOHN Journal, vol. 57, no 9, septembre 2009, p. 381‑85. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.3928/08910162-20090817-02.ematteis
- Dematteis, Maurice, et Lucie Pennel. « 18. Addictions et sommeil », Michel Reynaud éd., Traité d’addictologie. Lavoisier, 2016, pp. 161-176.