Facteurs de risque de l’apnée du sommeil : la ménopause
On a longtemps considéré l’apnée du sommeil comme une pathologie de l’homme senior, avant de s’apercevoir que la prévalence de l’apnée chez la femme augmentait beaucoup en vieillissant, finissant par rattraper celle des hommes.
C’est ainsi qu’on a mis en évidence un facteur de risque essentiel, la ménopause, ce moment où les femmes perdent un peu de leur « féminité hormonale ».
Comment la ménopause accroît les risques d’apnée du sommeil, et comment limiter ce facteur de risque ?
C’est quoi la ménopause ?
La ménopause se définit cliniquement comme la période de la vie d’une femme où s’installe définitivement une aménorrhée liée à l’âge, c’est-à-dire l’arrêt de ses règles. D’un point de vue biologique et biochimique, cette ménopause correspond à un arrêt de sécrétion des hormones sexuelles par les ovaires, notamment les œstrogènes et la progestérone. Cette chute de la synthèse hormonale se fait toujours progressivement, définissant un état de pré-ménopause qui précède la ménopause.
Si les ovaires sont en grande partie responsables de la sécrétion des hormones sexuelles, il existe toutefois une sécrétion résiduelle dans la glande cortico-surrénale. Cette glande fabrique un peu d’hormones stéroïdes féminines (oestradiol ou progestérone), mais aussi un peu d’hormones stéroïdes masculines (testostérone).
Quand la production ovarienne cesse, tout se passe donc dans l’organisme comme si, en proportion relative, la production de testostérone bondissait, expliquant l’apparition parfois de certains traits secondaires « masculins », comme la prise de graisse sur l’abdomen (modèle androïde) ou la pilosité excessive 1.
Quels sont les liens entre ménopause et troubles du sommeil ?
Différents travaux ont en effet mis en évidence une corrélation entre les troubles du sommeil et la ménopause, le plus spectaculaire étant probablement les ronflements.
Alors qu’on estime généralement que 3 % des femmes seulement ont des ronflements avant la ménopause, le taux d’incidents respiratoires est multiplié entre 3 et 5 après la ménopause comme le rapporte une étude de T. Young et coll. en 2002 2.
Pour savoir s’il y avait vraiment un facteur hormonal, ou si c’était lié plus généralement au phénomène de vieillissement, des chercheurs de l’université de Pennsylvanie ont étudié l’impact des variations hormonales sur le sommeil : ils ont montré ainsi que 17 % des femmes rapportaient des troubles du sommeil quand leur taux d’oestrogènes diminuait, à chaque ovulation.
Il n’est donc pas étonnant que les troubles du sommeil soient si nombreux à la ménopause, affectant de 40 à 60 % des femmes selon un article de F.C Baker et coll 3.
Parmi les troubles du sommeil, l’apnée du sommeil est plus fréquemment retrouvée chez les femmes ménopausées 4.
Inversement, une étude de E. Shahar et coll. a aussi démontré en 2003 5 que la mise en place d’un traitement hormonal de substitution diminue la fréquence du syndrome SAHOS, sans pour autant revenir à la prévalence d’une femme au fonctionnement hormonal normal.
Les causes : pourquoi la ménopause favorise l’apnée du sommeil ?
Tous les mécanismes intervenant sur l’apnée du sommeil ne sont pas parfaitement connus, certains restant encore des suppositions à confirmer.
Il a été démontré, au niveau de la peau, que les hormones contribuaient à renforcer la tonicité du tissu conjonctif, probablement avec une synthèse accrue de collagène.
La ménopause s’accompagnerait alors d’une flaccidité musculaire des VAS (voies aériennes supérieures), dont on sait que c’est souvent le point de départ de l’apnée du sommeil 6.
Il a été aussi démontré que les hormones féminines favorisent une répartition des graisses dite gynoïde, affectant les parties basses du corps (le bassin, les cuisses, les fesses…). Quand le taux d’androgènes relatif augmente à la ménopause, les femmes développent un modèle androïde, dont on sait qu’il favorise les dépôts graisseux dans le haut du corps, comme le ventre ou le cou.
Par ailleurs, l’apnée du sommeil est un facteur de risque cardiovasculaire démontré. La fréquence de ces pathologies cardiovasculaires augmente avec la ménopause, ce qui explique également que la ménopause favorise le développement d’un SAHOS 7.
Bibliographie:
- «Ménopause». Société Française d’Endocrinologie, 13 juillet 2011, https://www.sfendocrino.org/menopause/.
- Young, Terry, et al. « Menopausal Status and Sleep-Disordered Breathing in the Wisconsin Sleep Cohort Study ». American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, vol. 167, no 9, mai 2003, p. 1181‑85. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1164/rccm.200209-1055OC.
- Baker FC, Lampio L, Saaresranta T, Polo-Kantola P. Sleep and Sleep Disorders in the Menopausal Transition. Sleep Med Clin. 2018;13(3):443-456. doi:10.1016/j.jsmc.2018.04.011.
- Sediri, S., et al. « Prévalence du syndrome d’apnées du sommeil chez les femmes ménopausées à risque cardiovasculaire ». JMV-Journal de Médecine Vasculaire, vol. 42, no 2, mars 2017, p. 111‑12. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1016/j.jdmv.2017.01.131.
- Shahar, Eyal, et al. « Hormone Replacement Therapy and Sleep-Disordered Breathing ». American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, vol. 167, nᵒ 9, mai 2003, p. 1186‑92. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1164/rccm.200210-1238OC.
- Gaultier, C. « Motricité des voies aériennes supérieures et physiopathologie du syndrome d’apnées du sommeil ». Neurophysiologie Clinique/Clinical Neurophysiology, vol. 24, no 3, juin 1994, p. 195‑206. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1016/S0987-7053(05)80184-4.
- Dessapt, A. L., et P. Gourdy. « Ménopause et risque cardiovasculaire ». Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, vol. 41, no 7, novembre 2012, p. F13‑19. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.09.003.